Défibrillateurs : rien ne va plus
7 décembre 2011
(mis à jour le 15/12/2011)
L’AFSSAPS a publié le 23 novembre une information de sécurité concernant les défibrillateurs Fred Easy de la société Schiller Médical que nous avons relayée sur les réseaux sociaux [1]. Cette information fait apparaître une « perte de chances » pour le patient « dans plusieurs cas ». Une information complémentaire publiée quelques jours plus tard [2] précise que le problème ne concerne que le modèle « French Fireman » destiné aux sapeurs-pompiers et non le modèle destiné à être mis à disposition du grand public. Le problème serait la survenue d’un message bloquant de défaut de connexion des électrodes. La société en question a cessé quelques semaines la livraison de l’appareil. L’AFSSAPS recommande en attendant mieux de privilégier des « solutions alternatives », ce qui en clair signifie abandonner l’usage de ces appareils ; faute de mieux elle suggère en cas de survenue du problème d’essayer avec un nouveau jeu d’électrodes. Toutefois, Schiller Médical considère dans une lettre à ses clients [3] que le courrier initial de l’AFSSAPS est « beaucoup trop alarmiste et pas assez précis » et assure que ses livraisons reprendront mi-décembre.
Cet accident industriel est un événement particulièrement inquiétant, car cette machine est la plus diffusée en France. Elle équipe nombre de véhicules de secours à victime des sapeurs-pompiers, ainsi que des véhicules de premiers secours d’associations de sécurité civile. Il ne sera bien entendu pas possible de se passer de ces défibrillateurs ni de les remplacer du jour au lendemain, en raison de leur coût élevé et des procédures de marché nécessaires. Ils continueront donc à être utilisés malgré leur manque de fiabilité. Cette information de sécurité va devoir être intégrée par les équipes de secours et les protocoles adaptés en conséquence. Une surcharge de travail dont les chefs d’équipe se seraient bien passés, la prise en charge d’une victime qui ne respire plus représentant déjà en soi une situation particulièrement difficile et anxiogène !
Plus inquiétant, une analyse publiée [4] sur le site Theheart.org relève fort justement que si ce dysfonctionnement a été signalé, c’est peut-être précisément parce que le modèle Fred Easy est le plus diffusé dans les équipes de secours. Ces équipes font remonter les problèmes via leur service de santé à l’AFSSAPS, grâce aux procédures de matériovigilance. En revanche, les défibrillateurs mis à disposition du grand public sont très peu utilisés, et ils sont donc peu surveillés. Or, comme nous l’avions signalé [5] il y a tout juste un an, la FDA (Food and Drug Administration, États-Unis) s’est émue de la fréquence des dysfonctionnements des défibrillateurs en accès public. On peut donc légitimement avoir des doutes sur la totalité du parc de défibrillateurs en France.
Comment lever le doute ? Il est nécessaire que les autorités sanitaires s’interrogent sur ce sujet. Et il y a urgence, car en France, nous sommes toujours en phase d’équipement des lieux publics. Il reste beaucoup à faire pour diffuser ces machines, sans compter qu’il est également recommandé d’équiper les zones résidentielles qui sont particulièrement peu dotées [6]. Dans l’attente, les maîtres d’ouvrage des marchés de défibrillateurs vont devoir prendre des garanties auprès de leurs fournisseurs et ne plus avoir en tête le seul critère prix.
Le développement de la défibrillation depuis 2007 a créé de nombreuses vocations commerciales et plusieurs sociétés se sont lancées sur ce marché. Les pratiques marketing éculées utilisées par l’une d’entre elles, présente en ligne, ne laissent guère de doutes sur ses objectifs : nouveaux « communiqués de presse » sans aucun sens tous les jours dans le seul but de remonter dans le classement Google, intervention sans intérêt sur les forums en vue d’insérer un lien vers leur boutique [7], diffusion d’avis favorables de faux clients sur des sites communautaires comme Ciao, inscription sans consentement préalable à sa mailing-list... Cette société a-t-elle si peu confiance dans ses compétences qu’elle doive utiliser ces subterfuges pour trouver des clients ? Tout cela pour dire que les fournisseurs de défibrillateurs devraient également se doter d’une charte de bonnes pratiques et s’organiser en vue de rendre leur profession crédible. Car, comme les événements viennent de nous le rappeler, il ne s’agit pas seulement de vendre des boîtiers électroniques à prix d’or, il s’agit de sauver des vies.
Notes
[1] Information de sécurité concernant les défibrillateurs FRED Easy de la société Schiller Medical SAS. Communiqué de la Direction de l’Evaluation des Dispositifs Medicaux de l’Afssaps du 23 novembre 2011 http://www.afssaps.fr/Infos-de-secu...
[2] Information de sécurité concernant les défibrillateurs FRED Easy de la société Schiller Medical SAS. Communiqué de la Direction de l’Evaluation des Dispositifs Medicaux de l’Afssaps du 13 décembre 2011 http://www.afssaps.fr/Infos-de-secu...
[3] Courrier reproduit sur le site de la Protection Civile 67 http://www.protectioncivile67.fr/no...
[4] Vincent Bargoin, 7 décembre 2011, Retrait du défibrillateur automatique le plus vendu en France : quid des autres ?
http://www.theheart.org/article/132...
[7] Nous avons dû nous-même effacer plusieurs messages de ce type.
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