Didier BURGGRAEVE, Président du Conseil d’action pour la prévention des accidents et les secours d’urgence (CAPSU), publie un bilan amer des différentes réformes du secourisme, qui n’ont pas permis d’aboutir une généralisation de l’apprentissage des gestes qui sauvent en France.

Texte publié dans le Bulletin du CAPSU — Mai 2011

Le secourisme en 2011

Où en sommes-nous en France, en 2011, à propos de l’enseignement du secourisme ?

Pas de formation de la population (systématique) aux gestes essentiels (Secourisme de masse) à l’exception de l’action de la FFC (Fédération française de cardiologie) aux « 3 gestes » face à l’urgence cardiaque (Appeler – Masser – Défibriller) depuis plusieurs années ; ou d’initiatives d’associations de secourisme (agréées par le ministère de l’Intérieur) comme la CRF (Croix-Rouge française) avec des initiations très courtes (une heure) afin d’apprendre quelques gestes d’urgence à tous ceux qui n’ont jamais eu de formation !

Et le projet des « 5 gestes » face à l’accident de la route qui, s’il était retenu par les pouvoirs publics permettrait de former environ 800 000 candidats à un permis de conduire, chaque année, véritable secourisme de masse, car permis de conduire = passage obligé de tout citoyen afin d’obtenir le « permis » de conduire.

Permettant ainsi de sauver des centaines de vies humaines !

Ce secourisme de masse à enseigner – obligatoirement – afin de pouvoir obtenir un permis de conduire, avait été validé en 1974 lors d’un CISR (Comité Interministériel de sécurité routière), proposition faite par Christian GERONDEAU, premier délégué interministériel, comité interministériel présidé par le Premier ministre Jacques CHIRAC (formation des candidats aux permis de conduire aux gestes de survie).

Cette formation, jugée alors importante, retenue du fait du gain possible en vies humaines, n’a pas pu être mise en place et fut abandonnée, lâchement, par les « nouveaux » pouvoirs publics issus des élections de 1981 (en 1983).

Suite à la décision de 1974, un programme fut établi, appelé GES (Gestes élémentaires de survie) sur la base du PAS (Protéger, Alerter, Secourir) avec le ABC (Allonger sur le côté, bouche à bouche et comprimer la plaie qui saigne), simplification proposée alors par le Professeur Marcel ARNAUD (créateur du secourisme routier), soit quasi exactement les « 5 gestes qui sauvent ».

Mais, ensuite, dans le détail, l’administration (sécurité civile) et les membres de la commission nationale du secourisme, établiront un programme de formation plus détaillé, avec une partie théorique et une partie pratique, avec des sujets qui n’avaient rien à voir avec l’accident de la route : Attacher sa ceinture de sécurité regardait le moniteur de l’auto-école et non le moniteur de secourisme ; il ne fallait pas aborder les accidents domestiques mais simplement traiter les « gestes de survie » face à l’accident de la route ! [1].

Ces GES ont été enseignés (voir statistiques), notamment dans les collèges et lycées, mais jamais validés pour une formation afin d’obtenir un permis de conduire (Alors que le projet initial avait été prévu dans ce but).

On nous dira que les associations n’étaient pas prêtes, que la durée (qui s’ajoutait aux heures prévues pour apprendre le code et à conduire) était trop longue, pourtant fixée par les mêmes qui avaient retenu le programme GES, etc. etc.

On inventa des objections et des prétextes afin de ne rien faire. Bref, on refusait de franchir le pas. On laissait ainsi mourir des accidentés qui auraient pu avoir la vie sauve !

Les GES furent supprimés lors d’une réforme du secourisme en 1991 et le brevet de secourisme (BNS) remplacé par un enseignement plus court (d’une durée d’environ 12 heures) par l’AFPS (Attestation de formation aux premiers secours).

Cet abandon des GES et l’émergence de ce nouveau programme AFPS devait permettre de répondre (selon ses auteurs) à la demande de secourisme de masse avec la formation de 600 000 personnes chaque année !

Nous n’y sommes jamais arrivés et, après des chiffres fantaisistes avancés par le ministre de l’Intérieur lui-même, en 2001 (auprès du CAPSU [2]), nous ne pouvons que constater l’échec de cette réforme, modifiée récemment avec le passage de l’AFPS au « PSC 1 » (Prévention et secours civiques) – ce qui est encore moins clair pour le grand public, destinataire de cette formation ; puisque nous en sommes actuellement à 250 000 personnes formées par an, soit l’inverse d’un secourisme de masse !

Sur ces 250 000 attestations PSC 1, des milliers concernent des jeunes sapeurs pompiers volontaires ainsi que des personnes dont le métier impose désormais cet apprentissage, ce qui fait que la population touchée est encore en deçà de ce chiffre bien bas.

Pourquoi le secourisme en est-il toujours à ce stade ?

Ce n’est pas un sujet qui intéresse les « responsables » politiques (et les hauts fonctionnaires), les uns comme les autres étant des ignorants de ce sujet. Ils l’ont abandonné aux personnes ou à la structure dédiée, à charge pour elles d’agir, de réglementer...

Aujourd’hui, après bien des tentatives (voir les multiples interventions de l’ASAR [3] et du CAPSU – et de nombreux articles dans la revue de l’Automobile Club Médical de France signés de son président André SOUBIRAN), puis ensuite de beaucoup d’autres, nous devons revoir et mettre en place un secourisme de masse, notre sujet essentiel, sachant que pour le secourisme associatif ou professionnel, il conviendrait de ne pas construire une « usine de gaz » (nous y sommes proche).

En juin 2010, un rapport sur le secourisme a été adopté à l’unanimité par l’Académie nationale de médecine. La presse nationale et régionale en avait parlé... Quelle suite ? Que dit-il ? L’essentiel de ce que nous avons réclamé depuis TRENTE ANS !

Au point où nous en sommes aujourd’hui, le secourisme doit être traité à sa juste valeur. Nous avions, comme pour la prévention des accidents et l’organisation des secours (hors SAMU), préconisé la création d’un ministère de la Protection Civile (MPC) au sein duquel il y aurait, à côté d’une direction des sapeurs pompiers, une direction de la prévention et une direction chargée de l’enseignement et de la diffusion du secourisme.

Ce MPC rassemblerait toutes les structures éparpillées [4] qui, de nos jours, traitent chacune partiellement, voire en doublon ou en concurrence, autant de la prévention des risques que l’organisation des secours. Est-ce plus efficace ? Surtout beaucoup plus cher !

Vu la situation budgétaire de notre pays et sa dette abyssale, il y a déjà longtemps que nous aurions dû nous diriger dans cette voie [5]. Aucune dépense supplémentaire, le budget serait celui de la sécurité civile au ministère de l’Intérieur et de toutes les autres structures qui disparaîtraient.

Nous relancerons cette proposition de création auprès des principaux candidats à l’élection présidentielle en 2012.

Didier BURGGRAEVE
Président du CAPSU

Notes

[1Voir le 1er mémoire sur les « 5 gestes qui sauvent » (1981) qui reprend le programme GES et précise ce qu’il fallait retirer.

[2Voir le bulletin n° 47 du CAPSU – mai 2011 – qui revient sur cet épisode assez sordide où le ministre prétend que nous formons chaque année 500 000 personnes !

[3Association des secouristes de l’agglomération de Roubaix, créée en 1979 par Didier Burggraeve

[4Seule la délégation à la sécurité routière, jusqu’alors rattachée au ministère des Transports, vient d’être transférée au sein du ministère de l’Intérieur (preuve que ce qui était impossible mais surtout non voulu, devient possible aujourd’hui !). Mais ce grand ministère doit faire face aux risques d’attentats, gérer la criminalité et la malveillance, sujets qui devraient être séparés de la « sécurité civile ».

[5La première proposition de créer un tel ministère dédié à la prévention et à la protection de nos concitoyens face aux risques accidentels a été faite en 1971 auprès du Premier ministre Jacques CHABAN-DELMAS (Voir à ce sujet le mémoire « Pour un ministère de la Protection Civile » réalisé en 1982 et adressé aux pouvoirs publics).

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Le CAPSU veut rappeler aux candidats à l’élection présidentielle l’échec du secourisme de masse

18 mai 2011

bonjour,

y a -til un lien, une adresse net pour acquérir le bulletin cité dans votre communiqué ??
EB

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Le CAPSU veut rappeler aux candidats à l’élection présidentielle l’échec du secourisme de masse

19 mai 2011 par Marie

Je le cherche aussi. En tout cas il faut vraiment alerter les politiques sur cet échec qui me parait inadmissible. Ca coute pas grand chose et on pourra sauver plus de vies.

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