Dans son rapport public annuel, la Cour des comptes consacre un chapitre aux urgences médicales. Une partie de ce chapitre fait le point sur les difficultés relatives au système d’alerte utilisé en cas d’urgence médicale. Nous reproduisons ici le texte de cette partie.


Extrait du rapport au président de la république 2006 de la Cour des comptes.

Un système d’orientation des patients déficient

L’orientation des patients est un des éléments essentiels au bon
fonctionnement du dispositif des urgences et de la permanence des soins.

La régulation médicale téléphonique a un rôle déterminant : elle permet
de définir dès l’appel du patient la nature de la réponse à lui apporter, la
responsabilité de la décision incombant à un médecin régulateur formé et
expérimenté.

a) L’absence d’un numéro d’appel unique

Contrairement à l’Espagne, au Portugal, au Danemark, à la Suède
ou à la Finlande qui ont adopté le numéro 112 européen, la France n’a pas de numéro d’appel unique pour les urgences. Plusieurs numéros publics, qui correspondent à des champs d’activité spécifique, coexistent dont les trois plus connus sont : le 18 géré par les sapeurs pompiers (16,4 millions d’appels par an), le 15 géré par les SAMU (21 millions d’appels en 2004) et le 112 géré à 80% par les SDIS et à 20% par les SAMU. Cette diversité nuit à l’efficacité de la régulation téléphonique. Il est paradoxal qu’au moment où chaque opérateur de téléphonie recourt à des campagnes de communication pour promouvoir son propre numéro de renseignement les pouvoirs publics n’informent pas mieux la population sur la bonne utilisation de ces différents numéros, sans attendre la mise en place d’un numéro unique, solution qui ne fait pas l’unanimité au sein des acteurs et soulève des problèmes de coûts immédiats importants.

Une première étape vers la simplification pourrait être franchie
avec l’unification des numéros d’appel entre l’hôpital et la ville. Ceci
suppose que deux actions complémentaires soient poursuivies :

 convaincre les promoteurs de centres d’appel autonomes de
fusionner avec le 15, sauf à perdre l’agrément délivré par le préfet ;
 amplifier la participation conventionnée des médecins libéraux au
fonctionnement des centres 15.

b) Un besoin d’information des patients

La majorité des usagers voudraient connaître les symptômes qui
indiquent une urgence vitale et les bons gestes de premiers secours. Une étude conduite par la société française de cardiologie [1], sur la prise en charge de l’infarctus du myocarde apporte un éclairage sur cet enjeu : « un tiers seulement des personnes frappées d’infarctus appellent le 15 » et « la moitié des malades n’arrivent à l’hôpital que plus de trois heures après avoir ressenti les premières douleurs » ce qui entraîne une véritable perte de chances.

Les patients ont aussi besoin d’informations pratiques sur les
moyens mis en place en dehors de l’hôpital (demande exprimé par 41 %
des patients interrogés par l’URCAM/URML de Midi Pyrénées). En effet,
les trois quarts d’entre eux ne connaissent pas le numéro de téléphone du médecin de garde et un tiers seulement a le numéro de son médecin
traitant en tête ou sous la main. Les tableaux de permanence sont peu
diffusés, tous les médecins ne délivrent pas d’information sur la PDS [2] sur leur répondeur. Cette carence explique en partie le recours téléphonique au 18 (les pompiers ont la préférence des appelants du fait de leur facilité d’accès et de leur rapidité d’intervention) et au 15.

Quelques régions ont commencé à prendre des initiatives pour
faciliter l’orientation du patient, mais chacune travaille isolément alors
que ce sujet devrait faire l’objet d’une action nationale.

c) Un meilleur partage de l’information

Les textes rendent obligatoires l’interconnexion entre le centre de
réception et de régulation des appels géré par le SAMU (CRRA) et le
centre de traitement de l’alerte des SDIS (CTA) [3]. Ils prescrivent
l’information mutuelle lors du déclenchement des opérations et de leur
suivi. Après une période de tensions, voire de conflits ouverts [4], la tendance générale est à l’apaisement et les conférences à trois (appelant, régulateurs des n°18 et 15) ainsi que les transferts d’appels se multiplient.

Néanmoins l’efficacité de ce travail en réseau est limitée. La situation
des équipements radio et informatique des centres 15 qui sont tributaires des budgets hospitaliers et des financements tant de l’Etat que des collectivités locales est très disparate et inégale. L’amélioration de leur niveau de fiabilité et de leur performance supposent un recours généralisé et ambitieux aux nouvelles technologies.

L’absence de système d’information formalisé, généralisé et
partagé, ne permet pas de connaître les moyens opérationnels disponibles sur un territoire donné. Seule la région Haute Normandie en a créé un, dénommé « Réseau régional de l’aide médicale urgente » (RAMU).


Le RAMU

Etabli dans les locaux du SAMU du Havre, ce système d’information
régional a pour objectif d’offrir à l’ensemble des acteurs de la chaîne des
urgences (les SAMU de Rouen, du Havre et d’Evreux, les 10 SMUR de la
région, les transporteurs sanitaires, les médecins libéraux assurant la
permanence des soins, les services d’urgence publics et privés) un système d’information électronique commun. Il permet à chacun de disposer de données d’aide à la régulation, de mettre les trois SAMU en réseau pour permettre une suppléance de l’un d’eux par un autre, de mutualiser certaines fonctions, notamment la régulation libérale en deuxième moitié de nuit, dans un SAMU à tour de rôle. Le réseau permet de combiner l’accès aux ressources les plus spécialisées et le recours à des filières de proximité.


Les travaux en cours à la DHOS avec trois régions pilotes pour
mettre en oeuvre des projets d’articulation territoriale des urgences
devraient permettre d’avancer en ce sens. Les échéances ne sont toutefois pas précisées.

d) Le retard de la finalisation des conventions tripartites

Des conventions tripartites liant les SDIS, les SAMU et les
ambulanciers privés ont été rendues obligatoires par la circulaire
interministérielle du 29 mars 2004
et devaient être conclues fin 2005.

Au 15 août 2006, 30 seulement avaient été signées. La cause la
plus fréquente de ce retard est l’attitude des ambulanciers privés, souvent en concurrence entre eux, qui hésitent à définir secteurs, périodes et moyens de garde. Actuellement, la préparation de nombreuses conventions tripartites s’achève par des négociations bilatérales entre l’autorité préfectorale et les représentants des ambulanciers privés, tandis que SAMU et SDIS, déjà tombés d’accord, mettent en pratique leur entente sans attendre sa formalisation.
La signature de ces conventions n’est pas un gage de qualité.

Certaines présentent des insuffisances, par exemple dans la répartition des missions respectives, la prise en considération des réalités locales, le
respect des temps d’intervention et l’évaluation de la mise en oeuvre,
alors que, pour cette dernière, l’annexe de la circulaire interministérielle
comporte des indications très pertinentes. D’autres contiennent de bonnes pratiques qui pourraient être diffusées, comme par exemple, la
systématisation de la régulation médicale, quel que soit le lieu où se
trouve la personne (voie publique, lieu public, domicile, lieu de travail),
le recours accru à la conférence téléphonique à trois entre l’appelant, les
régulateurs des n° 18 et 15, ce qui permet, dans bien des cas, un
désencombrement du 15, la présence d’un coordonnateur ambulancier au sein du centre 15 et la mise en place au niveau départemental de comités médicaux de suivi d’application des conventions.

Sur le Web Les urgences médicales, in Cour des comptes, rapport au président de la république 2006

Notes

[1Enquête nationale établie à partir d’un registre incluant dans 250 unités de soins intensifs de cardiologie tous les patients hospitalisés pour un infarctus du myocarde pendant une période d’un mois au dernier trimestre 2005.

[2PDS : permanence des soins, NDLR

[4Au Havre, en 2000, il avait été nécessaire de dépêcher une mission conjointe de l’inspection générale de l’administration (IGA) et de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) pour régler la situation.

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