La loi no 2020-840 du 3 juillet 2020 visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l’arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent [1] a été publiée au Journal officiel du 4 juillet 2020. Sa promulgation marque l’aboutissement du débat parlementaire, commencé fin 2018, que nous avions déjà eu l’occasion de commenter ici [2]  [3].

Cette loi a pour but principal de rassurer le public sur le fait qu’il n’encourt aucun risque de mise en jeu de sa responsabilité en réalisant les gestes qui sauvent. Elle se base sur l’idée que des personnes pourraient être réticentes à pratiquer les gestes qui sauvent de peur de mal faire et d’être mises en cause. Or le pire est de ne rien faire, mieux vaut un geste de secours mal exécuté que pas de geste du tout.

Le citoyen sauveteur, collaborateur occasionnel du service public... mais qu’est-ce que cela signifie ?

La loi stipule que « quiconque porte assistance de manière bénévole à une personne en situation apparente de péril grave et imminent est un citoyen sauveteur et bénéficie de la qualité de collaborateur occasionnel du service public. »

Il est difficile de savoir si le citoyen va se sentir rassuré par cette phrase... dont seuls les juristes pourront vraiment comprendre la portée. Il est dommage qu’elle n’ait pas été rédigée de manière plus explicite.

La notion de collaborateur occasionnel du service public est issue de la jurisprudence administrative. Elle permet d’indemniser les personnes qui, à l’occasion de leur participation désintéressée à l’exécution d’un service public, ont subi des dommages.

Ainsi un citoyen qui serait par exemple blessé alors qu’il porte secours à une personne en arrêt cardiorespiratoire, peut prétendre à voir son dommage indemnisé par la collectivité en charge du service de secours.

A noter que cette notion, désormais gravée dans la loi, n’a rien de nouveau puisque la jurisprudence reconnaissait déjà aux sauveteurs occasionnels et bénévoles la protection de ce statut.

Cette notion est réservée aux bénévoles. Elle ne s’applique pas aux personnels d’un service de secours, qui sont eux protégés par le régime des accidents du travail.

Le régime de responsabilité du citoyen sauveteur

La loi précise le régime de responsabilité du citoyen sauveteur sur le plan civil et pénal, dans le cas où il crée un dommage [4]. Tel serait le cas par exemple si une personne réalise un massage cardiaque sur une victime inconsciente et que les compressions causent des blessures à la victime.

Sur le plan pénal, l’article 121-3 du code prévoit une responsabilité uniquement si le sauveteur n’accomplit pas les « diligences normales » compte-tenu de ses compétences. La loi sur le citoyen sauveteur précise que les diligences normales « s’apprécient, pour le citoyen sauveteur, au regard notamment de l’urgence dans laquelle il intervient ainsi que des informations dont il dispose au moment de son intervention. » Là encore, rien de révolutionnaire. Le sauveteur bénévole et occasionnel était déjà à l’abri de toute sanction pénale dès lors qu’il appliquait de bonne foi les gestes qu’il connaissait, même de manière imparfaite ou maladroite, et il le restera. Il reste toutefois punissable s’il commet une faute de manière intentionnelle.

Sur le plan civil, la loi précise désormais que « lorsqu’il résulte un préjudice du fait de son intervention, le citoyen sauveteur est exonéré de toute responsabilité civile, sauf en cas de faute lourde ou intentionnelle de sa part. »

Les autres mesures législatives

Le texte vient confirmer dans la loi diverses mesures déjà existantes sur le plan réglementaire, ce qui les place à un niveau plus élevé dans la hiérarchie des normes. On peut se demander à quel point c’est une bonne idée de les graver dans le marbre. En effet jusqu’ici elles n’ont pas produit d’effets particulièrement probants sur le niveau de formation aux premiers secours de la population en France depuis les 16 ans qu’existe le loi de modernisation de la sécurité civile. Nous aurions préféré une réflexion de fond sur cet échec et de nouvelles mesures plus créatives, plutôt que de pérenniser un statu quo peu efficace.

On trouvera donc :
 la confirmation des régimes de peines aggravées pour le vol ou la dégradation de défibrillateur [5],
 la confirmation du dispositif de secourisme scolaire [6],
 la confirmation des acteurs autorisés à dispenser la formation aux premiers secours et de la nécessité d’une formation continue,
 la confirmation d’une journée nationale consacrée à l’arrêt cardiaque et à la sensibilisation aux gestes qui sauvent.

Par ailleurs, la loi prévoit que doivent être sensibilisés aux gestes qui sauvent :
 les travailleurs salariés préalablement à leur retraite,
 les arbitres et juges des fédérations sportives pendant leur formation.

Ces deux mesures sont réellement nouvelles et constituent une avancée. Elles sont toutefois soumises à la mise en œuvre d’un décret d’application, à la discrétion du gouvernement.

Enfin, la loi prévoit également que le parlement est destinataire chaque année d’un rapport du gouvernement sur les progrès réalisés en matière de gestes qui sauvent. Le Sénat lui-même émet quelques doutes sur le fait que cela soit réellement utile puisqu’à peine plus de la moitié des rapports que le gouvernement doit au parlement sont réellement remis [7] et bien peu sont ouverts [8].

Notes

[7« le suivi de la remise des rapports du Gouvernement [...] est désormais un point noir récurrent [...] Ainsi, sur les 50 rapports demandés dans une loi votée lors de la session 2017-2018 et dont la date d’échéance est dépassée, 27 ont été remis, soit à peine 54 % ». Extrait du rapport n° 72 (2019-2020) de Mme Catherine TROENDLÉ, 16 octobre 2019

[8Le Sénat « se montre par principe hostile aux demandes de rapports : ils ne sont que rarement remis et encore plus rarement lus ». Extrait du rapport n° 72 (2019-2020) de Mme Catherine TROENDLÉ, 16 octobre 2019

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