La loi sur le citoyen-sauveteur, validée en première lecture par l’Assemblée nationale le 19 février dernier [1], a subi un toilettage bienvenu au Sénat. Elle a été discutée [2] le 24 octobre.

Les citoyens sauveteurs mieux protégés

L’article 1er de la proposition de loi tend à créer un « statut de citoyen sauveteur » afin de mieux protéger les personnes venant en aide de manière volontaire et bénévole aux victimes d’une urgence vitale, qualification dont il résulterait trois effets juridiques :

 le citoyen sauveteur agirait comme collaborateur occasionnel du service public ;
 sa responsabilité pénale serait atténuée en cas de commission d’un délit non intentionnel, sur le modèle de ce que le droit en vigueur prévoit déjà pour les sauveteurs professionnels ;
 enfin, il serait exonéré de toute responsabilité civile pour le préjudice qui résulterait pour la personne secourue de son intervention, sauf dans le cas où il aurait commis une faute lourde ou intentionnelle.

Le droit assure déjà la protection juridique du sauveteur occasionnel et permet, en théorie, d’écarter sa responsabilité tant pénale que civile du fait d’un dommage qu’il aurait causé lors de son intervention, grâce à l’état de nécessité prévu à l’article 122-7 du code pénal, qui supprime le caractère fautif d’un acte nécessaire à la sauvegarde d’une personne et proportionné à la gravité de la menace.

En outre, le régime des collaborateurs occasionnels ou bénévoles du service public créé par la jurisprudence des tribunaux permet d’assurer l’indemnisation, par la puissance publique, de la victime d’un dommage, qu’elle soit sauveteur ou sauvée.

Pour autant, les sénateurs et sénatrices ont jugé utile de consolider dans la loi le régime de responsabilité applicable aux personnes intervenant comme des sauveteurs occasionnels et bénévoles, par souci de clarification. Ils et elles ont toutefois amélioré l’article proposé sur plusieurs points.

En premier lieu, le Sénat a redéfini les conditions d’intervention des sauveteurs en visant l’assistance à une personne en situation de péril grave et imminent, et non plus celle d’ « urgence vitale », ou de « détresse cardio-respiratoire », qui s’apparentent davantage à des notions médicales et sont trop restrictives.

Il a aussi supprimé des dispositions qui imposeraient au sauveteur occasionnel de pratiquer un massage cardiaque, considérant qu’elles pourraient décourager les sauveteurs d’agir, en y substituant un principe général (appeler les secours et agir) figurant déjà dans le code de la sécurité intérieure mais apprécié selon les circonstances et les possibilités de chacun.

Le Sénat a remplacé, en outre, l’expression de « citoyen sauveteur » par celle de « sauveteur occasionnel et bénévole », l’estimant plus appropriée au concours apporté à l’exercice d’un service public qui caractérise son action.

En second lieu, le Sénat a maintenu les principes que fixe l’article 1er de la proposition de loi en matière de responsabilité [3] applicable lors de l’intervention d’un sauveteur occasionnel, fondé principalement sur la qualité de collaborateur occasionnel et bénévole du service public qui serait conférée au sauveteur par la loi, bien que ce régime s’applique déjà. S’y référer dans la loi aurait le mérite de mieux garantir l’indemnisation par la puissance publique, tant du dommage causé par le collaborateur que du dommage qu’il aurait subi.

Le Sénat a aussi maintenu le principe de l’atténuation de la responsabilité pénale du sauveteur occasionnel et bénévole, dans l’hypothèse où le sauveteur commettrait un délit non intentionnel lors de son intervention, ce régime étant aligné sur celui des sauveteurs professionnels.

Enfin, il a aussi apporté au régime spécial de responsabilité civile qui serait créé au bénéfice du sauveteur occasionnel, une correction de nature à l’exonérer pour tous les préjudices qu’il pourrait causer lors de son intervention, sauf faute lourde ou intentionnelle de sa part, et pas seulement pour ceux causés à la personne secourue elle-même.

La plupart des actions de sensibilisation ne relèvent pas de la loi

La proposition de loi tendait à favoriser la formation aux gestes qui sauvent en modifiant des dispositions préexistantes. Le Sénat a supprimé de la proposition de loi les dispositions qui existent déjà dans la réglementation et qui donnent satisfaction :
 les dispositions relatives à la sensibilisation des élèves [4]
 le droit à la formation aux premiers secours pour tout salarié [5],
 la formation des futurs enseignants [6],
 les notions de premiers secours à l’examen du permis de conduire,
 la sensibilisation aux gestes de premiers secours dans le cadre des formations aux professions d’activités physiques et sportives [7].

Seules certaines dispositions prévues à l’article 5 de la proposition de loi ont été conservées par le Sénat. Elles créent une obligation de formation au secourisme à destination des juges et arbitres par les fédérations sportives agréées. Il s’agit d’une véritable avancée puisque le contenu de ces formations est jusqu’à présent fixé par ces fédérations et que certaines n’y incluent pas nécessairement une sensibilisation au secourisme.

Des établissements de santé acteurs de la formation au secourisme ?

L’article 7 de la proposition de loi prévoit que l’agrément opérationnel des associations agréées et l’agrément de formation ne fassent plus qu’un.

Le Sénat a souhaité que certains services des établissements de santé puissent également mettre en œuvre ces formations, car beaucoup d’entre eux détiennent les compétences nécessaires.

Les compétences en question, centrées sur l’AFGSU, ont toujours été clairement séparées de la formation des citoyens jusqu’ici. Cette proposition du Sénat ouvre la voie à un rapprochement des deux filières, si elle est maintenue.

Le renforcement des peines en cas de dégradation de matériel destiné aux premiers secours

Le Sénat a estimé ce renforcement légitime compte tenu de l’objectif recherché de punir plus sévèrement les auteurs d’infractions pouvant conduire indirectement au décès d’une personne, faute de matériel de premiers secours disponible.

Toutefois, il a jugé que la notion d’« objets nécessaires à la sécurité et à la santé des personnes » que visait l’article était insuffisamment précise et permettrait d’aggraver les sanctions pénales pour le vol ou la dégradation de nombreux biens autres que les seuls défibrillateurs automatiques.

Afin d’assurer la clarté et la précision de la loi pénale, il a donc restreint la nature des objets dont le vol ou le vandalisme serait puni plus sévèrement au « matériel destiné à prodiguer des soins de premiers secours ».

Pas besoin de loi pour une journée nationale ni pour écrire des rapports annuels

La proposition de loi comptait parmi ses dispositions la création d’une journée nationale et la demande de rapports annuels. Il est apparu au Sénat que la création d’une journée nationale ne relève pas du domaine de la loi [8]. Le Sénat est également hostile à la production systématique de rapport, car « ils ne sont que rarement remis et encore plus rarement lus » (sic). Les dispositions en cause ont donc été supprimées.

Texte adopté par le Sénat

Ce texte [9] devra être examiné en 2e lecture par l’Assemblée nationale.

TITRE IER

CONDITIONS D’INTERVENTION ET RESPONSABILITÉ DU SAUVETEUR OCCASIONNEL ET BÉNÉVOLE

Article 1er

I. – L’article L. 721-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

2° (Supprimé)

3° (nouveau) Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Quiconque porte assistance de manière spontanée et volontaire à une personne en situation de péril grave et imminent est un sauveteur occasionnel et bénévole qui a la qualité de collaborateur occasionnel et bénévole du service public.

« Les diligences normales mentionnées au troisième alinéa de l’article 121-3 du code pénal s’apprécient, pour le sauveteur occasionnel et bénévole, au regard notamment de l’urgence dans laquelle il intervient ainsi que des informations dont il dispose au moment de son intervention.

« Lorsqu’il résulte un préjudice du fait de son intervention, le sauveteur occasionnel et bénévole est exonéré de toute responsabilité civile, sauf faute lourde ou intentionnelle de sa part. »

II (nouveau). – Le dernier alinéa de l’article L. 721-2 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Les mots : mentionnées à » sont remplacés par les mots : « mentionnées au troisième alinéa de » ;

2° Les mots : « sont appréciées » sont remplacés par les mots : « s’apprécient ».

TITRE II

MIEUX SENSIBILISER LES CITOYENS AUX GESTES QUI SAUVENT

Chapitre IER

MIEUX SENSIBILISER LES CITOYENS
(Division et intitulé supprimés)

Articles 2, 2 bis, 3 et 4

(Supprimés)

Article 5

L’article L. 211-3 du code du sport est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« La formation des arbitres et juges intègre une sensibilisation à la lutte contre l’arrêt cardiaque et aux gestes qui sauvent.

« Le contenu, le champ d’application et les modalités de mise en œuvre du présent article sont définis par décret. »

Article 5 bis

(Supprimé)

Chapitre II

CRÉATION D’UNE JOURNÉE NATIONALE DE LA LUTTE CONTRE L’ARRÊT CARDIAQUE
(Division et intitulé supprimés)

Article 6

(Supprimé)

TITRE III

CLARIFIER L’ORGANISATION DES SENSIBILISATIONS ET FORMATIONS AUX GESTES DE PREMIERS SECOURS

Article 7

I. – Le livre VII du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa de l’article L. 725-3 est supprimé ;

2° Après le titre II, il est inséré un titre II bis ainsi rédigé :

« TITRE II BIS

« FORMATIONS AUX PREMIERS SECOURS

« Chapitre IER

« Autorisations de prestation de formation aux premiers secours

« Art. L. 726-1. – Les actions d’enseignement et de formation en matière de secourisme sont assurées par des organismes habilités parmi les services des établissements de santé dont la liste est fixée par décret et les services publics auxquels appartiennent les acteurs de la sécurité civile mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 721-2 ou par des associations de sécurité civile agréées au titre de l’article L. 725-1.

« Chapitre II

« Enseignement à la pratique des premiers secours

« Art. L. 726-2. – Les titulaires d’une formation initiale aux premiers secours qui participent aux opérations de secours organisées sous le contrôle des autorités publiques ou aux dispositifs prévisionnels de secours ou qui assurent une mission d’enseignement aux premiers secours bénéficient d’une formation continue en vue de maintenir ou parfaire leurs qualifications et leurs compétences. »

II. – (Non modifié)

Article 8

(Suppression conforme)

Article 9

Le titre VI du livre VII du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa des articles L. 765-1, L. 766-1 et L. 767-1, les mots : « dans leur rédaction résultant de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale » sont remplacés par les mots : « dans leur version en vigueur à la date de publication de la loi n° du visant à encourager la participation des citoyens aux premiers secours » ;

2° Après le 2° des articles L. 765-1 et L. 766-1, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis Au titre II bis : les articles L. 726-1 et L. 726-2 ; »

3° Après le 1° de l’article L. 767-1, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis Au titre II bis : les articles L. 726-1 et L. 726-2 ; ».

Article 10

(Suppression conforme)

TITRE IV

RENFORCER LES PEINES EN CAS DE VOL OU DE DÉGRADATION D’UN DÉFIBRILLATEUR

Article 11

I. – Après le 11° de l’article 311-4 du code pénal, il est inséré un 12° ainsi rédigé :

« 12° Lorsqu’il porte sur du matériel destiné à prodiguer des soins de premiers secours. »

II. – Après le 8° de l’article 322-3 du code pénal, il est inséré un 9° ainsi rédigé :

« 9° Lorsqu’elle porte sur du matériel destiné à prodiguer des soins de premiers secours. »

Article 12

(Suppression conforme)

TITRE V

ÉVALUER LA MISE EN OEUVRE
(Division et intitulé supprimés)

Article 12 bis

(Supprimé)

Article 13

(Suppression conforme)

Notes

[4Le « continuum éducatif » n’a pas besoin d’être réaffirmée par la loi puisqu’il existe dans les textes réglementaires : à l’école, le dispositif « apprendre à porter secours (APS) » des cycles 1 à 3 ; au collège et au lycée, la sensibilisation des élèves aux gestes qui sauvent (GQS) et la formation « prévention et secours civiques » de niveau 1 (PSC1) ; au lycée, la formation continue au PSC1 et la formation de sauveteur secouriste du travail (SST) pour les élèves des formations professionnelles (Bulletin officiel de l’éducation nationale du 24 août 2016).

[5la partie réglementaire du code du travail prévoit déjà avec précision les cas dans lesquels cette formation est obligatoire (dispositif Secourisme du travail (SST)) et un salarié qui souhaite se former au secourisme peut déjà le faire dans le cadre de son entreprise par l’intermédiaire de son compte personnel de formation.

[6ils doivent déjà obligatoirement détenir une attestation de secourisme pour pouvoir être déclarés admis au concours de recrutement de professeur des écoles (CRPE)

[7L’accès à ces professions nécessite déjà une formation au secourisme

[8il existe déjà de nombreuses journées similaires : Journée mondiale du cœur (Fédération mondiale du cœur) ; Semaine du cœur (Fédération française de cardiologie) ; Journée de sensibilisation à l’arrêt cardiaque (Semaine européenne de sensibilisation à l’arrêt cardiaque) ; Journée du cœur (Alliance du cœur) ; Journée mondiale des premiers secours (Croix-Rouge)...

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