La Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a examiné, sur le rapport de M. Jean-Pierre Decool, la proposition de loi relative au défibrillateur cardiaque (n° 4015) [1], dans le sillage d’une précédente proposition restée lettre morte que nous avions déjà évoquée [2]. Celle-ci a bien été examinée par la Commission, au cours de sa séance du mercredi 5 octobre 2016. Il est à noter qu’Alex Turk a déposé une proposition de loi identique au Sénat. Ce n’est pas un hasard : Jean-Pierre Decool et Alex Turk sont deux parlementaires du Nord, département en pointe dans sur la question de la lutte contre la mort par arrêt cardiaque, et ils ont décidé d’agir conjointement. Le rapport présenté pour justifier de la proposition démontre qu’ils ont par ailleurs une connaissance fine du dossier.

Défibrillateur de l’hôtel de ville de Rouen
photo Frédéric Bisson, licence CC-BY 2.0

Cette proposition de loi prévoit trois mesures principales :

  1. Aggravation des peines en cas de vol sur des objets nécessaires à la sécurité ou à la santé des personnes ou des lieux et création d’un délit de destruction, dégradation ou détérioration desdits objets
  2. Formation obligatoire en milieu scolaire
  3. Implantation obligatoire de défibrillateurs automatisés externes dans certains locaux (lieux de travail, équipements commerciaux, immeubles collectifs à usage principal d’habitation et établissements recevant du public, sous condition de seuils)

Perles

Le texte intégral des débats de la Commission est disponible sur le site de l’Assemblée nationale. Certains passages valent le détour, et illustrent la méconnaissance crasse du dossier que peuvent avoir certains parlementaires. Parmi les nombreuses perles que l’on peut relever, citons M. Renaud Gauquelin, qui nous indique que «  la plupart des défibrillations sont pratiquées à mauvais escient ». Visiblement il n’a pas compris que les défibrillateurs dont il parle sont automatiques et ne délivrent un choc que si c’est nécessaire. M. Arnaud Robinet affirme à propos « de l’obligation faite aux collectivités d’installer des appareils, celle-ci existe déjà quasiment de fait, de par la réglementation relative aux équipements sportifs et autres lieux recevant du public. » Manifestement il n’y a que lui qui est au courant. Non, il n’y actuellement aucune obligation de ce genre, uniquement une responsabilisation indirecte en milieu du travail [3].

La Commission veut renforcer l’obligation du secourisme scolaire, mais s’y prend mal

La Commission a adopté l’obligation de formation aux premiers secours à l’école. Il est à craindre, toutefois, que ce renforcement soit sans effet, le secourisme scolaire étant obligatoire depuis 2004, avec le piètre résultat que l’on sait [4].

Dans le détail, la proposition de loi veut modifier l’article actuel du code de l’éducation qui crée cette obligation, pour y imposer l’enseignement du défibrillateur. Mais cet enseignement existe déjà dans la formation aux premiers secours. En effet, la formation « Prévention et secours civique de niveau 1 » (PSC 1) des élèves de collège est inscrite dans le socle commun des connaissances et compétences, et repose sur un référentiel incluant l’utilisation du défibrillateur.

Pour améliorer la situation du secourisme scolaire, il ne sert à rien de le rendre obligatoire puisqu’il l’est déjà. Il faudrait surtout aider l’Éducation nationale à s’acquitter de cette obligation. Par exemple, est-il nécessaire d’imposer aux professeurs, dont le métier est d’enseigner, la formation pédagogie initiale commune de 35 heures du ministère de l’Intérieur ? Ne pourraient-ils pas en être dispensés pour aller directement sur la pédagogie appliquée ? Cela faciliterait d’évidence la démultiplication de la formation dans les établissements.

Les députés de gauche contre l’obligation des défibrillateurs

La commission a rejeté l’idée de créer une obligation d’installation des défibrillateurs dans les lieux publics, les lieux de travail et les grands ensembles immobiliers. C’est regrettable, car si certains secteurs sont bien équipés, ce n’est absolument pas le cas partout, avec des taux d’équipement pouvant tomber à presque zéro dans certains départements [5]. De plus, les ensembles résidentiels sont très peu équipés, en contradiction avec les recommandations internationales en la matière. Quant à la question des coûts, elle est tout bonnement dérisoire au regard du bénéfice en santé publique. Rappelons que placer un DAE dans un endroit où la probabilité de survenue d’un arrêt cardiaque est de 1 tous les 5 ans est économiquement viable [6]. Cette attitude des députés d’une partie de la commission est irrationnelle. Il faut espérer que la sagesse reviendra sur cette question lors des prochains examens de la proposition de loi.

Géolocalisation

Par ailleurs, certains députés de la Commission ont soulevé un autre problème récurrent, non traité dans le cadre de la proposition de loi, celui de la localisation des appareils. « Nous aurons fait un pas tout à fait considérable lorsque la localisation des défibrillateurs pourra se faire grâce aux smartphones ; cela ne doit pas être difficile » indique Mme Delaunay. Il existe déjà de telles applications, mais leurs données sont incomplètes. L’association Arlod, qui est chargée de collecter de manière exhaustive l’emplacement des défibrillateurs au profit des SAMU, refuse quand à elle de divulguer l’emplacement au public. Le problème peut rapidement être résolu en demandant à Arlod, en échange des subsides publics dont elle bénéficie déjà, de passer ses données en open data, comme elles devraient déjà l’être. Elles seront alors rapidement transposées sur OpenStreetMap ou Geoportail, lesquels sont consultables sur smartphone. Chiche [7] ?

MAJ 17/10/2016 : Obligation d’équipement en défibrillateur : proposition de loi adoptée à l’Assemblée nationale

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Obligation d’équipement en défibrillateurs : proposition rejetée en Commission à l’Assemblée nationale

16 octobre 2016 par thierry

à noter : si la présence d’un défibrillateur sur les lieux de travail n’est pas obligatoire en entreprise, en cas d’arrêt cardiaque, la responsabilité de l’employeur peut être engagée, en vertu de son obligation de protéger la santé physique de ses salariés et cet accident reçoit la qualification d’accident du travail. Il y a donc une obligation implicite d’équipement dans de nombreux cas : http://www.officiel-prevention.com/sante-hygiene-medecine-du-travail-sst/materiel-de-secours-et-de-premiers-soins-defibrillateurs/detail_dossier_CHSCT.php?rub=37&ssrub=155&dossid=509

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Obligation d’équipement en défibrillateurs : proposition rejetée en Commission à l’Assemblée nationale

11 octobre 2016 par bristiel

bonjour,
je souhaiterais apporter des précisions sur le procès fait à l’éducation nationale en matière de formation PSC1. je suis formateur de formateur à l’EN et je note que l’on reproche souvent à l’école de ne pas répondre à son obligation de formation des élèves. cet argument est certes vrai à la lecture des pourcentages d’élèves formés dans les diverses académies. mais le véritable problème ne réside pas dans l’immobilisme des formateurs mais bien plus dans le manque de moyen détaché à la formation des élèves. aujourd’hui on demande à un enseignant dont la compétence supplémentaire est celle de formateur PSC de former à titre gracieux. quelle structure associative accepterait de former gratuitement ? l’Education Nationale, et plus particulièrement la DGESCO, prend le dossier de secourisme à l’envers en envisageant une multiplication du nombre de formateur ; or comment former sur le terrain lorsqu’on ne met pas à disposition des chefs d’établissement des heures clairement dédiées aux formations élève. à quoi bon former des formateurs en masse si par ailleurs on ne leur permet pas de travailler ? c’est cet argumentaire qui devrait être développé et non la critique d’un manque de volonté de formation au regard de l’obligation faite.

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