Les scientifiques du Paris-Centre de recherche cardiovasculaire (PARCC) ont mené une étude dévoilée [1] à l’occasion du congrès de la société européenne de cardiologie (SEC). Elle montre que la probabilité de survie à un arrêt cardiaque est corrélée à la proportion de la population formée aux gestes qui sauvent et à la densité d’équipement en défibrillateurs. Ce sont les deux piliers sur lesquels doit donc reposer une politique de santé publique efficace. Or il existe des disparités considérables en France entre les départements, tant dans la formation que dans l’équipement en défibrillateurs. Le résultat est alarmant. Dans les départements les plus mal dotés, la probabilité de survie après un arrêt cardiaque hors hôpital peut tomber à... zéro.

Les chercheurs ont mené l’étude dans 51 départements français. Dans chacun d’entre eux, ils ont calculé la densité de défibrillateurs en unités pour 100 000 habitants et 1000 km2, ainsi que le nombre de personnes ayant suivi une formation aux gestes qui sauvent dans les cinq ans.

Ecarts considérables

Les écarts entre les départements étudiés se sont révélés considérables. La proportion de personnes formées varie de 7 à 37 % (médiane 13,9 % [2]). La densité de défibrillateurs va de 5 à 3399 pour 100 000 habitants et 1000 km2 (médiane 22 pour 100 000 habitants et 1000 km2).

Un tiers des départements se trouvent au-dessus de la médiane à la fois pour ce qui est de la densité des défibrillateurs et des personnes formées (en vert dans graphique ci-dessous). 37,2 % sont au-dessous de la médiane pour les deux critères (en violet). Le reste est au-dessus de la médiane pour un des deux critères et au-dessous pour l’autre (orange et rouge).

La probabilité de survie est davantage liée à la formation de la population aux gestes qui sauvent qu’à l’équipement en défibrillateurs

Le taux de survie à un arrêt cardiaque hors hôpital varie de 0 à 43,8 %. Ce taux de survie a été calculé pour chaque région à l’aide du registre national des arrêts cardiaques liés à la pratique sportive. La corrélation avec l’équipement en défibrillateurs et la formation de la population a été établie. Néanmoins, il est apparu que le principal facteur explicatif du taux de survie est la formation, comme le montre le graphique ci-dessous. Un équipement dense en défibrillateurs est un plus, mais n’a pas autant d’impact qu’une population bien formée.

Il s’agit donc d’une preuve irréfutable de l’importance de la formation aux premiers secours dans le cadre d’une politique de santé publique visant à réduire la mortalité par arrêt cardiaque hors hôpital. Les auteurs de l’étude concluent qu’il existe une marge de progrès importante pour les départements les moins impliqués.

On ne peut donc que saluer toute initiative qui va dans le sens du renforcement de l’éducation aux gestes qui sauvent et particulièrement de la prise en charge des arrêts cardiorespiratoires. Il y a eu quelques frémissements ces derniers temps [3], qui vont dans le bon sens, comme la campagne « grande cause nationale » [4], l’engagement de la ministre de l’Éducation nationale de former 100 % des élèves de troisième [5], et la récente campagne « les gestes qui sauvent » [6]. Mais il faudra porter l’effort sur les zones géographiques dans lesquelles la population est encore peu formée. Au-delà des initiatives ponctuelles, les responsables régionaux et nationaux en matière de sécurité intérieure et de santé publique doivent enfin définir un plan pour que l’ensemble du territoire se hisse à hauteur des meilleurs départements.

Hécatombe

Des milliers de vies perdues chaque année en France, une solution simple pour l’éviter, pas de politique publique en la matière. L’attentisme des autorités et le silence des médias, qui ne se soucient guère de ce problème, ne sont plus tolérables : l’hécatombe dépasse de très loin tous les scandales sanitaires que le pays n’ait jamais connus.

Notes

[1Major Disparities in Public Access Defibrillation Programs Implementation : a French Nationwide Study. N. Karam, W. Bougouin, MC. Perier, L. Lamhaut, F. Dumas, N. Benameur, D. Celermajer, E. Marijon, X. Jouven. Présentation en conférence de presse : PDF

[2Ce qui discrédite (à nouveau) l’affirmation éculée des grands médias selon laquelle seule 5 % de la population serait formée aux premiers secours.

[3On notera que ces initiatives sont peu ou prou toutes liées à la vague d’attaques en France. Lorsque la science peine à convaincre, les faits divers finissent par venir à la rescousse...

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