Le site d’information en ligne Médiapart décrit dans un article du 29 février (accessible aux abonnés) les problèmes rencontrés au soir du 13 novembre 2015 lors des attentats de Paris. L’article n’entend aucunement dénoncer des défaillances humaines, mais plutôt un manque de moyens hospitaliers pour la gestion de crise ainsi qu’un manque de coordination avec les moyens de la BSPP.

Il relate notamment l’absence de prise en charge médicalisée des victimes à la brasserie « la bonne bière », et la longue attente des secouristes avant l’évacuation des victimes, plus d’une heure. Description similaire pour le site de « la belle équipe », où, si une ambulance médicalisée est intervenue, elle n’est arrivée qu’à la fin de l’opération de secours, « avec une heure de retard ».

Moyens artisanaux

Médiapart s’étonne que les autorités, y compris médicales, aient publiquement déclaré qu’il aurait été « difficile de faire mieux ». Car s’il est évident que la situation était très complexe et que des dysfonctionnements sont sans doute inévitables, deux problèmes ont été cruellement ressentis. Le premier, c’est le manque de moyens de gestion de l’urgence du SAMU.

Les pompiers peuvent monter rapidement en puissance pour assurer toutes les opérations de sauvetage et la coordination de la gestion de l’urgence, notamment du fait de la présence physique, dans les casernes, des personnels qui ne sont pas de permanence. Ainsi à 22 heures, la BSPP disposait de 80 personnes en cellule de gestion de l’urgence et de 430 hommes sur le terrain, ce qui lui permettait d’avoir une bonne vue d’ensemble de la situation.

Le SAMU n’a pas la même réactivité et sa cellule de régulation ne pouvait compter que sur... 22 personnes. Ses moyens étaient pour le moins artisanaux : carte murale de Paris et tableau blanc. La cellule a même dû utiliser les téléphones portables personnels des agents présents, les lignes fixes étant saturées, pour passer certains appels extérieurs. Néanmoins, les sapeurs-pompiers ne peuvent pas réaliser à la place du SAMU la coordination médicale, laquelle relève de la seule responsabilité du SAMU.

Coordination

Second problème, l’absence de liaison entre BSPP et SAMU n’a pas permis une coordination efficace. À titre d’exemple, le système radio ANTARES qui est sensé être l’outil commun de transmission, n’est en réalité utilisé que par les pompiers. Les systèmes informatiques ne sont pas compatibles. Notamment, les bracelets SINUS [1] des sapeurs-pompiers ne peuvent pas être lus par le SAMU ni par les hôpitaux, ce qui retarde le suivi des victimes. Dans ces conditions, même si les sapeurs-pompiers ont une vision claire de la répartition des victimes sur le terrain, il leur est difficile d’en faire part de manière détaillée au SAMU.

Faire mieux

Cela explique-t-il les problèmes décrits par les rescapés ? Difficile à dire, car les autorités sollicitées n’ont pas répondu aux questions de Médiapart. Mais devant ce tableau, il semble bien que oui, il aurait été possible de faire mieux. Ce n’est pas vouloir réécrire l’histoire que de l’admettre, mais se placer dans une démarche de progrès, pour la prochaine fois. Car la menace terroriste n’est pas écartée, et que les citoyens veulent pouvoir compter sur un système efficace.

Si la situation est bien celle qui est décrite, il sera nécessaire d’allouer plus de moyens aux services hospitaliers assurant l’aide médicale d’urgence pour renforcer leur capacité de gestion de crise. Même sans parler de moyens humains, le minimum est de mettre à niveau le système radio et informatique du SAMU, et de le rendre compatible avec celui utilisé par les sapeurs-pompiers. Des améliorations simples sont possibles en équipant les véhicules d’un système de géolocalisation pour que la cellule de coordination puisse avoir une vision d’ensemble de ses moyens en temps réel.

Au-delà de cette nécessaire remise à flot, il est temps de penser la complémentarité afin d’avoir des salles opérationnelles regroupant les compétences de tous les services pour assurer une réponse de haut niveau. Comment peut-on être efficace avec une gestion de la crise dispersée entre SAMU, BSPP, préfecture, gouvernement et police, au moment où toutes les compétences doivent être mises en commun ? Un premier pas est fait en expérimentant en région parisienne le regroupement des appels aux 18, 112 et 17. Mais combien de temps encore les hospitaliers pourront-ils défendre l’idée d’un centre-15 isolé, sous prétexte rebattu de « modèle français » ?

On ne peut désormais que soutenir l’idée d’un unique centre-112 de gestion interservices des appels d’urgence, qu’à avancée la Fédération nationale des sapeurs-pompiers lors de son congrès 2015 [2], sur un modèle qui existe d’ores et déjà dans d’autres nations comme la Finlande, et qui là-bas, fonctionne [3].

Le fonctionnement d’un centre d’appel 112 selon la FNSPF

Sur le Web Mediapart : attentats du 13-novembre : là où les secours ont manqué (abonnés)

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