En Finlande, toutes les demandes de secours se font via le 112 uniquement et sont traitées par seulement 6 centres dans le pays.

La Finlande est un pays de 5,4 millions d’habitants qui a mis en place le 112 comme numéro d’appel unique des services d’urgence. Elle vient de finaliser son organisation en réduisant le nombre de centres d’appels de 15 à 6, qui à terme fonctionneront en réseau. Six centres pour tout le pays, soit environ un centre pour un million d’habitants.

En France, à l’opposé, nous détenons le record du nombre de numéros d’appel d’urgence en Europe : onze (y compris le 112). Cela depuis que le 197 a été mis en place [1].

Pour le 15 et le 18, il y a grosso modo un centre de réception (ou de traitement) des appels par département. Pour le 17 également un COG (ou CORG [2]) par la zone gendarmerie de chaque département et plusieurs CIC pour la police [3]. Pour le 115, il y a également un écoutant par département. Difficile de compter, mais cela fait de toute évidence plus de 500 services à l’écoute des citoyens, en permanence, sur le territoire, sans compter les déclinaisons zonales et nationales qui doivent les coordonner. A la louche, on peut estimer qu’il y a un service en veille pour 100 000 habitants, soit 10 fois plus, à nombre d’habitants équivalent, qu’en Finlande.

Retournons en Filande pour voir s’il n’y aurait pas matière à trouver source d’inspiration pour nous.

Historique

En Finlande, les premiers centres d’appels communs aux services de secours ont été installés dans les années 50. En 1976, une modification législative a rendu obligatoire la régionalisation des centres de traitement des appels. Les centres d’appels ont alors été regroupés en fonction des possibilités de l’architecture du réseau téléphonique de l’époque, en 58 régions.

Initialement, les nouveaux centres d’appel d’urgence traitaient les demandes relatives aux incendies et aux sauvetages. Une nouvelle réforme législative survenue en 1983 a transformé ces centres afin qu’ils puissent traiter également les appels relatifs aux urgences médicales et aux urgences sociales. En 1991, le nombre de régions a été réduit de 58 à 27.

Dans les années 60, les policiers municipaux étaient dotés d’un téléphone à domicile, qui faisait office de « police secours », faute de système centralisé. En 1991, il y avait 291 districts de police, dont 26 en zone urbaine et 220 en zone rurale. Des centres d’appel de la police répondaient alors au numéro « police secours » unique (le 75), 24 h/24.

Il y avait donc différents numéros d’urgence attribués aux différentes autorités, avec beaucoup de variantes dans le pays. Cette situation a démontré qu’elle entraînait une certaine déperdition d’information à l’occasion des missions impliquant plusieurs services. Avoir autant de services d’urgence était également vu comme un frein à la mutualisation des moyens et trop coûteux.

Une situation qui n’est pas sans rappeler celle de la France aujourd’hui. Dans un de ses rapports d’information, le Sénat préconise ceci [4] : « il est envisageable de centraliser la gestion du 17 au niveau de la Préfecture avec un état-major police/gendarmerie commun au SAMU et aux pompiers. Ce centre départemental serait géré par des urgentistes spécialisés. Cette procédure devra s’intégrer dans une réflexion rendue inévitable par la mise en place du 112, numéro d’appel unique européen. »

Les Finlandais se sont, eux, saisis de ce problème dès 1991. Après avoir planché sur un centre de réponse interservices public, ils ont mené une expérimentation de cinq ans à partir de 1996, dans quatre régions.

Règlement sur les centres de réponse à l’urgence

C’est le 1er janvier 2001 que le décret « ERCA » est entré en vigueur pour généraliser le système à tout le pays. ERCA signifie Emergency Response Centre Act, règlement sur les centres de réponse à l’urgence. Une administration ad hoc a été créée pour prendre en charge l’organisation et le fonctionnement de ces centres d’urgence au niveau national, avec le statut d’agence gouvernementale. Elle porte également le nom d’ERCA pour Emergency Response Centre Administration. Ses personnels sont placés sous l’autorité du ministre de l’Intérieur. Néanmoins, la gouvernance de l’agence est assurée de manière conjointe avec les ministères en charge de la santé et des affaires sociales.

Après différentes étapes de structuration, l’ERCA a mis en place 15 centres 112 dans le pays, qui furent tous opérationnels en 2006. Dans le même temps, un réseau radio numérique professionnel de type TETRA [5] a été mis en œuvre pour l’ensemble des services (y compris les bénévoles de sécurité civile), sur l’ensemble du territoire.

La tâche de l’ERCA est de recevoir les appels de l’ensemble du pays pour le secours, l’incendie, la police, l’urgence médicale et l’urgence sociale ; d’assurer les communications relatives à la sécurité civile, la sécurité publique et la protection de l’environnement, et de relayer l’information aux services et partenaires concernés.

Les citoyens sont invités à appeler le 112 pour toute urgence concernant les biens, les personnes ou l’environnement. Le traitement des appels repose sur un travail d’évaluation du risque. La situation d’urgence est évaluée à l’aide de règles établies par l’ERCA. L’objectif est de déterminer efficacement la nature, l’étendue et l’urgence de chaque incident. A partir de l’information reçue, l’officier de permanence déclenche les moyens appropriés.

Gestion des pics d’activité

Après 10 ans de fonctionnement, un nouveau besoin est apparu. En effet, la gestion des périodes de pic d’activité est devenue problématique. Deux solutions étaient possibles : soit recruter une centaine d’agents supplémentaires afin d’affecter dans les différents centres un nombre suffisant de personnels pour faire face aux pics d’activité, soit mettre les centres en réseau afin qu’un pic d’activité puisse être délesté sur un centre moins occupé. Le gouvernement finlandais, imposant des contraintes budgétaires à toutes ses administrations, a opté pour la seconde solution. C’est ainsi que les centres d’appel d’urgence sont devenus des services à compétence nationale. Il n’y aura plus de centres affectés à une région donnée, mais tous les centres auront pour mission de traiter les appels sur l’ensemble du pays. Il fallait également pouvoir intégrer de nouvelles technologies de l’alerte, telles qu’eCall ou l’alerte par SMS. C’est à cette occasion que le nombre de centres a également été réduit, de 15 à 6 aujourd’hui.

Résistance

Ces modifications ont été réalisées au prix d’importants efforts pour accompagner le changement. Notamment, l’ERCA a dû se recentrer sur le traitement des urgences vraies et abandonner le traitement de certaines urgences relatives. Les résistances au changement, somme toute classiques, ont été nombreuses. Les principaux arguments furent les suivants :

  • trop grandes régions de travail, connaissance insuffisante par les opérateurs du contexte local, pouvant créer des erreurs dans la localisation des personnes, et des temps de traitement plus longs,
  • réticence à déménager pour les personnels qui étaient dans un des centres fermés,
  • impossibilité d’un modèle unique en raison des particularités opérationnelles de chaque région,
  • ne traiter que les urgences vraies altère le niveau de service rendu,
  • eCall et l’alerte par SMS ne servent à rien,
  • les collectivités n’ont plus d’interlocuteur local pour les questions relatives à l’organisation de l’alerte de leurs services,
  • la mutualisation des centres en réseau n’apporte pas de bénéfice opérationnel, mais en revanche comporte des risques,
  • le choix de la localisation des centres est dicté par des considérations politiques et non opérationnelles,
  • mettre tous ses œufs dans le même panier affecte la résilience du pays...

Satisfaction

Ces critiques légitimes ont été prises en considération. Malgré tout des difficultés sont apparues et ont mis à mal l’ERCA dans les premiers temps. Il s’avère qu’elles étaient essentiellement dues à un manque de communication des nouvelles procédures aux services d’urgence sur le terrain. Néanmoins, chaque problème a pu être résolu. Les enquêtes de satisfaction des usagers du 112 n’ont montré aucun fléchissement après la réorganisation, restant à un niveau très élevé. Ces enquêtes portent sur le temps de réponse, l’attitude du personnel, son professionnalisme, et la clarté des avis donnés. Toutes les notes sont supérieures à 4 pour un maximum de 5.

Sur le Web : EENA. Managing change, the exemple of Finland

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