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Pourquoi un neurochirurgien réputé des hôpitaux de Marseille se lancera t’il au moment de sa retraite hospitalière (en décembre 1961) dans un nouveau combat, celui des « blessés de la route », titre de son ouvrage « fondateur », la bible de nombreux médecins qui deviendront des « urgentistes » et des enseignants de « son » secourisme routier qu’il élaborera entièrement ?

Il suffit de lire ou de relire pour les plus anciens qui ont participé à cette aventure (son aventure qu’il nous a fait partager), les deux pages de ce livre [1] que nous publions, qui abordent de bout en bout tout ce qu’il fallait dire donc prévoir pour secourir convenablement cette multitude d’accidentés de la route, souvent des « polytraumatisés », expression qu’on lui doit (à ne pas confondre avec polyblessés) – et que d’autres tenteront de s’approprier par la suite.

Exercice de secourisme routier dirigé par Marcel Arnaud
À l’école de Nainville-les-Roches — Photo France Sélection

Il recevait dans son hôpital de Marseille très souvent de tels blessés. La mortalité était très importante sur les lieux mêmes des accidents ou après hospitalisation. Comment les secourir sur place, durant le transport puis ensuite en milieu hospitalier ? Qui pouvait et devait se charger de cette tâche, de « l’abordage », à la « cueillette » au transport ? Il fut le témoin d’un grave accident de la route alors qu’avec sa famille il était à la terrasse d’un restaurant sur une route (RN 7) menant à Aix-en-Provence. Il laissera le blessé pour mort mais, à l’arrivée de la gendarmerie, un assez long temps plus tard, revenant au « cadavre » il découvrit qu’il y avait encore source de vie. Agonisant, le blessé mourut peut de temps après, mais sa « découverte » fut essentielle. On laissait probablement pour mort de nombreux blessés de la route en détresse !

A la page 89 « Alerte ! Au secours ! », l’auteur explique et il est bien placé pour savoir de quoi il parle, la position latérale de sécurité, la « PLSA » dont il sera au final l’inventeur.

Il rappellera que toutes les manœuvres pour un « blessé de la route » doivent se faire avec toutes les précautions afin, notamment, de préserver le rachis, de la tête avec la colonne cervicale, aux pieds. La position « latérale » évite l’obstruction des voies aériennes, par la position sur le dos mais aussi et surtout l’inondation pulmonaire.

C’est un débat que nous avions eu en 1998 lorsque le rapporteur d’un projet de loi sur la sécurité routière (le député R. DOSIERE) n’avait pas retenu un amendement pour la formation aux « 5 gestes qui sauvent », « à cause » de la PLS, le 5ème geste « Sauvegarder », qui « pouvait ou pourrait être dangereux », d’après un interlocuteur de la sécurité civile (ministère) dont on voudrait bien avoir l’identité !

Sur les pas de Marcel ARNAUD

« Quand le soleil s’éclipse, on en voit la grandeur » Sénèque

Et le Professeur Marcel ARNAUD prolonge la conduite à tenir, en cas d’arrêt du fonctionnement de la « respiration », par la méthode du « bouche à bouche », soit le mot-clé et 3ème geste « Ventiler » de nos « 5 gestes » ! Pourquoi cette méthode est-elle aujourd’hui « discutée » ?

Que le blessé soit « ventilé » par bouche à bouche ou en PLS (Sauvegarder), le passage de l’air, dans les deux sens, doit rester LIBRE ! (C’est curieux qu’en 2012 certains puissent préconiser uniquement le MCE, en indiquant que l’air peut, du fait des massages, entrer et sortir suffisamment ?). Sachant, il faut le rappeler, que le MCE n’a rien à voir avec les gestes de survie à pratiquer sur un blessé de la route ! C’est une méthode pour faire face à l’arrêt cardiaque, campagne dynamique de la FFC !

Tout est dit sur cette page 89 de son livre « Les blessés de la route » de 1961, destiné aux médecins (et secouristes) témoins d’un accident de la route. Pour le grand public, nous avons les « 5 gestes » (Voir les conseils et consignes de la 1ère édition en 1972).

Page 102, pour le « stade immédiat » Marcel ARNAUD explique son « concept » qui aboutira à la médicalisation des secours aux « blessés de la route », ce qui donnera, dès 1957, le premier SMUR (Antenne de la route) expérimental, du Professeur Paul BOURRET à Salon de Provence (Voir analyse de la thèse du docteur Jean-Claude LAUGIER). Puis la formation des sapeurs pompiers au secourisme « routier » au début des années 60 et leurs ambulances qu’on appelait les « VSABR » : Véhicule (ou voiture) de secours aux asphyxiés et blessés de la route. Le médecin chef de sapeurs pompiers Pierre DUFRAISSE sera l’un des pionniers dans son secteur d’Avignon en 1960 et le Professeur Alain LARCAN dans le sien, à Nancy, dès 1962 avec son « service SOS ». Voir l’hommage au Professeur LARCAN.

Ainsi, par son livre publié en 1961 (mais écrit bien avant nous dira le Professeur Louis SERRE un de ses amis et disciples le plus proche), Marcel ARNAUD décrit la doctrine, sa doctrine, pour secourir les accidentés et/ou polytraumatisés de la route.

Sur les pas de cet homme qui prit à bras le corps ce problème complexe et surtout gigantesque du fait de la masse des accidents et des victimes à traiter, on trouvera quelques hommes eux aussi exceptionnels et résolus dont nous connaissons bien les noms.

Après cette médicalisation à développer partout et qui, outre les équipes mobiles (SMUR) arrivera au SAMU (avec l’expérience pilote de Louis SERRE à Montpellier), il fallait aussi s’occuper de ceux qui allaient être en première ligne, c’est-à-dire les sapeurs pompiers. Avec quelques médecins-chefs sera entreprise la création d’un secourisme, complémentaire au secourisme classique, le secourisme routier. Au pionnier bien connu du secourisme que nous connaissions alors, Pierre JOLIS, viendront s’ajouter ceux qui définiront avec Marcel ARNAUD ce secourisme révolutionnaire dans les années 60 !

Le « Précis » de 1971

Tout fut réalisé minutieusement par écrit, y compris des croquis avec la conception de diapositives pour l’enseignement. Des commentaires furent proposés dans un recueil, diapo par diapo [2]. L’ensemble diffusé dans les départements.

Les stages se succédaient, à Nainville-les-Roches en région parisienne, siège de l’école nationale (de la Protection Civile) et de la formation des officiers de sapeurs pompiers. Ainsi que dans des centres départementaux : Valabre d’abord, puis Mâcon, Blois…. Châtel Guyon, puis bien d’autres.

Tout cela aboutira à la sortie, chez l’éditeur France Sélection bien connu des moniteurs de secourisme pour ses publications dans ce domaine (notre domaine) et des secouristes avec les « manuels » dont celui du médecin général Paul GENAUD, d’un « Précis de secourisme routier » (1ère édition juillet 1971) où on trouvera associé au nom de Marcel ARNAUD d’autres noms qui resteront associés à son œuvre : GENAUD, DUFRAISSE, ARRICHI et RAVOT.

Ce précis de 225 pages, complété d’un index et d’une table des matières, abordera tout ce que devait savoir un secouriste sapeur pompier, un secouriste ambulancier, un secouriste associatif et bien sûr un enseignant du secourisme appelé à transmettre ce savoir. Le secourisme routier deviendra une « mention » complémentaire du BNS (Brevet national de secouriste), comme l’était la « spécialité en asphyxie » devenue « en ranimation ».

Nous trouvons ainsi, page 26, des chiffres, venus des Etats-Unis à l’époque car il n’y avait rien de semblable en France, sur les lésions multiples. On pouvait considérer que 65% des blessés de la route étaient des polytraumatisés. Non seulement par les multiples atteintes mais par leur interaction sur les fonctions vitales.

Et toutes les explications étaient apportées sur les impacts directs puis indirects qui entraient dans la fabrication de ces blessés « si particuliers » comme les présentait lui-même Marcel ARNAUD. Page 164, dans la partie secours, il présentait le relais de la ventilation par « bouche à bouche » par l’oxygénothérapie apportée par les secours professionnels (par insufflation – le fameux « oxyranimateur » de l’époque qui assurait également une phase active de l’expiration).
L’hémorragie externe devait être stoppée – soit par un point de compression par un secouriste, soit ensuite par la pose d’un pansement compressif et ce fut l’époque du « CHUT », c’est-à-dire du coussin hémostatique présenté à la figure 103.

Ce secourisme routier fera le tour de France. Le programme officiel fut arrêté par le SNPC. Les médecins de sapeurs pompiers s’y mirent également. Il y avait un maillon de plus. Restait toujours, manquant, celui des témoins, le « public » !

Le Maître et ses disciples

Autour de Marcel ARNAUD se créa une équipe de fidèles que l’on retrouvera, surtout à Nainville car de la région parisienne, ou à Valabre, dans les Bouches du Rhône, avec les « sudistes ». Mais cet homme désintéressé fera de nombreux adeptes dans toute la France, parmi les sapeurs pompiers non médecins et la grande armée admirative des secouristes de tous horizons.

C’est pourquoi l’article paru en 1998 dans un supplément de la revue de la FNSPF « Le sapeur-pompier » qui nous avait été adressé alors que nous venions de diffuser le tome II (dédié au médecin de sapeurs pompiers Pierre DUFRAISSE) est exemplaire tant il relate bien l’ambiance de cette époque avec le témoignage de l’ancien chef de corps d’Avignon – où le docteur DUFRAISSE était médecin-chef. L’article reprend l’une des nombreuses formules de Marcel ARNAUD : « Désamorcer la mort, relancer la vie ». Après son témoignage de l’accident de 1954, la formule deviendra essentielle pour tout secouriste routier et tous ceux appelés à les secourir professionnellement.

Le rédacteur achève son texte sur la controverse au sujet de la traction « tête-pieds » et de la mise sur un brancard (classique – type Armée) par roulement sur le sol… La traction « axiale » était utilisée pour placer une victime inconsciente en PLS afin de préserver, par cette « rigidification » sa colonne vertébrale. Pour être capable d’effectuer cette méthode, il fallait de nombreux exercices, à chaque place, sur le côté, aux pieds puis à la tête, emplacement réservé au secouriste le plus qualifié qui commandait la manœuvre.

La mise sur brancard, afin de ne pas soulever le blessé, partait du même principe de la traction afin de protéger l’axe vertébral puis l’amener latéralement pour permettre ensuite de le placer contre le brancard et, en poursuivant la manœuvre, l’amener dessus – évidemment sans l’avoir levé. Mais cette technique ne pouvait se réaliser, au sol, qu’avec ce type de brancard qui était les nôtres dans toutes les associations de secouristes, ou sur une planche. Elle fut abandonnée.

La traction axiale, réalisée parfois avec trop de brutalité et sans comprendre que celle au niveau de la tête et du cou était bien inférieure à celle au niveau des pieds, a posé également des problèmes. On parla alors de « rigidification » de l’axe, toujours afin de protéger le rachis. La photo de l’article, prise à Nainville en 1972 (publiée en page de couverture du tome II) permet de revoir, autour de Marcel ARNAUD, ses « principaux » disciples : les professeurs ou docteurs en médecine, de gauche à droite : SERRE, PRIM, JOLIS et DUFRAISSE.

Et, hasard de nos recherches sur Internet, nous sommes tombés sur un hommage rendu au Professeur Louis SERRE par son ami le docteur Jean-Claude DESLANDES, paru dans le numéro 11 de « MED EMERGENCY ». Nous l’avons remercié (mail du 26.7.2012). Nous l’ajoutons à nos documents ici publiés, pour rappeler l’œuvre immense de Louis SERRE, ami de Marcel ARNAUD.

Dans ses archives : son œuvre

Le CAPSU dispose des archives du Professeur Marcel ARNAUD qui lui ont été confiées par le docteur François NEUVEUX. Il en avait eu la garde après sa disparition. C’est son œuvre qu’on y trouve et comme promis à Marcel ARNAUD lui-même et son accord qu’il nous avait confirmé, nous publions ces documents exceptionnels.

Dans un document daté de 1968 (donc avant la publication du « Précis »), il reprend (en utilisant ses textes repris (par la revue « La Route » du Secours Routier Français et ses publications complémentaires) ses « 4 temps » pour les « Prompts-secours » routiers qu’il nous a si intelligemment enseignés. On y retrouve sa signature et sur les trois tableaux ses corrections tant il savait, souvent, compléter ses propres écrits par des corrections pour les rendre encore plus compréhensifs, plus clairs, à tous.

Toujours dans ses archives, ce rappel (« Schéma – Flash »), numéroté pour décomposer chaque phase, de I à III (daté de septembre 1974). On y retrouve les éléments fondamentaux de son enseignement de secourisme routier avec, pour « l’abordage » les « gestes de survie (survie étant souligné) avec son PAS – ABC qui sera repris par beaucoup sans qu’il soit précisé qu’il en était l’auteur !

Nous ne pouvions achever cet hommage à notre Maître sans utiliser un texte qu’avait publié, l’année de sa disparition, la revue « Le sapeur-pompier » que sa rédaction nous avait fait parvenir suite à notre demande sur son action au sein de la Fédération comme conseiller médical. Son titre est accrocheur. Il parle de « l’importance des premiers secours ». C’était une communication faite à l’Académie de Médecine en octobre 1976 !

Comme à son habitude, il dresse un tableau en plusieurs phases ou étapes, s’attachant à rappeler d’abord la particularité de ces « polytraumatisés » à cause de la vitesse des chocs et l’état dans lequel on va les retrouver.

Il explique pourquoi il fallait former les secouristes à ce secourisme « spécialisé ». Il date de l’année 1963 le début de cet enseignement et reprend tous les termes, les siens, qui nous ont été ensuite familiers et que nous utilisions à notre tour. Il n’oubliait jamais le rôle primordial du « public » car le premier sur les lieux d’où, dans son « Précis » la recommandation devenue historique : « Sans être secouriste, connais au moins les gestes qui sauvent ». Page 144 du « Précis », figure 94 (rôle des témoins).

Nous reprenons les pages 68 et 69 du 6ème mémoire [3] sur les « 5 gestes qui sauvent » où nous rappelions le rôle du Professeur Marcel ARNAUD pour former le public, les témoins. Mais en cette année 2012, il y a quarante années paraissait la première édition de la brochure gratuite « 5 gestes qui sauvent » qu’il avait approuvée.

Quand on relit les consignes rappelées en fin de brochure, on voit bien qu’elles sont à destination de ce public et utilisables pour une formation de masse.

Notes

[1Se reporter aux cinq tomes sur l’œuvre de Marcel ARNAUD dont le premier (1997), dédié au Professeur Paul BOURRET, fondateur du premier SMUR à Salon de Provence en 1957, est en ligne sur le site secourisme.net - Voir aussi Bibliothèque du CAPSU et les références bibliographiques en cours.

[2Se reporter aux cinq tomes sur Marcel ARNAUD ou aux références bibliographiques du CAPSU pour ce qui a été publié également, en complément, dans les bulletins du CAPSU ou les mémoires sur les « 5 gestes qui sauvent ».

[3Le 6ème mémoire est intégralement en ligne sur le site secourisme.net – A ce jour : 16 dossiers (mémoires) publiés.

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