Le 7 décembre 2013

Lettre à Madame Catherine TROENDLE

Madame la Sénatrice,

Dès votre désignation comme Rapporteure de la proposition de loi de vos collègues Jean-Pierre LELEUX et Jean-René LECERF pour la mise en place d’une formation pratique des candidats aux permis de conduire aux gestes de premiers secours, j’ai pris contact immédiatement avec vous.

Par un courrier en date du 16 octobre, je vous faisais parvenir un mémoire sur les « 5 gestes qui sauvent » qui expliquait dans le détail le concept proposé, ainsi que le dernier bulletin du CAPSU. La brochure « 5 gestes qui sauvent » jointe, avec les mots-clés, résumait les gestes à retenir pour une formation de masse, sans entrer dans les détails et la pratique de chaque geste, puisque les quatre heures de formation sont prévues dans ce but.

Je vous ai ensuite transmis par internet différents documents complémentaires qui vous ont confirmé que les « 5 gestes » correspondent bien aux gestes appris lors des formations au secourisme, que ce soit dans notre pays (avec la formation de base dite PSC1 d’environ 8-9 heures) ou les autres pays européens qui ont mis en place cette mesure.

 Le 17.10.2013 :

  • Sondage réalisé à la demande de la CRF qui confirme que les français souhaitent être formés aux gestes de premiers secours, notamment pour obtenir un permis de conduire.
  • Article paru dans la revue de l’ACMF où le Professeur CARLI indique qu’il faut effectivement mettre en place une formation concernant les accidents de la route.
  • Fiche chronologique et pyramide des « 5 gestes » qui rappellent ce qui doit être appris lors du stage pratique de 4 heures.

 Le 23.10.2013 :

  • Synthèse du rapport sur le secourisme de l’Académie de médecine avec les commentaires du CAPSU (suite à la demande de votre secrétariat).

 Le 26.10.2013 :

  • Article paru dans la revue « Allo 18 » de la Brigade de sapeurs-pompiers de
    Paris qui détaille le projet pédagogique des « 5 gestes ». Ces gestes sont bien explicités. On remarque une victime en PLS parmi les croquis retenus.

 Le 1.11.2013 :

  • Explication du mot « ventiler » et sur la ventilation orale.

 Le 7.11.2013 :

  • Détails sur la détresse respiratoire : libération des voies aériennes (LVA), désobstruction, ventilation ; sur l’hémorragie externe (comprimer la plaie et non comprimer par un point de compression) selon un rappel de la CRF.
  • Gestes face à un accident, les exemples de la MSA et de la MAIF. Ce sont les mêmes gestes car les « 5 gestes » sont des gestes universels donc les mêmes lorsque l’on se trouve en face des mêmes situations (inconscience, difficulté ou détresse respiratoire, arrêt de la ventilation, hémorragie externe).

 Le 8.11.2013 :

  • Complément sur la PLS.
  • Conseils du docteur CASSAN (CRF). On retrouve les « 5 gestes ».

 Le 11.11.2013 :

  • Note du CAPSU suite à la réunion de la Commission des lois du 6 novembre.

Après ma rencontre, entretemps, avec le sénateur Jean-Pierre LELEUX, il avait bien voulu me faire connaître le texte de votre intervention prévue en séance le 19 novembre. Votre secrétariat lui avait demandé de vous envoyer rapidement ses observations.

Je n’ai pas manqué de le faire dès le 16 novembre afin que votre intervention corresponde vraiment à la proposition de loi (à l’exception de la troisième épreuve et du caractère réglementaire qui ont été traités en Commission des lois).

Mais rien n’a été changé et je vous ai entendu à la tribune du Sénat lire ce texte.

Puisque la séance a été interrompue et reportée au 11 février, vous reprendrez la présentation de la proposition de loi. Vos commentaires et observations sont très importants. Ce que vous avez lu est toutefois en contradiction avec les propos tenus, juste avant vous, par le Sénateur LELEUX, coauteur de cette proposition de loi.
Je ne peux pas vous laisser dire que les « 5 gestes qui sauvent » ont pu faire consensus – dans les années 70 ou 80. Ces « 5 gestes » sont intégrés dans tous les programmes de formation. Si seuls ces cinq gestes ont été retenus pour la formation systématique des candidats aux permis de conduire, c’est que nous ne devons retenir que les gestes « de survie ».

Si quelques personnes ont pu prétendre auprès de vous qu’il n’en était plus le cas, elles en prennent la responsabilité. Que veulent-elles ? Qu’on ne fasse rien et qu’on laisse les blessés en détresse mourir avant l’arrivée des secours ?

Dans votre intervention, vous avez maintenu certaines inexactitudes pour, peut-être, inciter un vote « a minima », pour les deux premiers gestes ?

La formation, pratique, et non théorique, serait réalisée selon les détails du décret d’application et textes complémentaires. Formation de quatre heures, suffisante pour que ces « 5 gestes » soient appris correctement – avec un coût limité à 25 €.

La « sanction », que vous avez abordée, c’est-à-dire la vérification de la bonne compréhension et maîtrise des gestes, aura été réalisée lors de la dite formation pratique par les formateurs. Inutile de revenir avec des questions à l’épreuve théorique et surtout à l’épreuve pratique. Sur ce dernier point, vous revenez ainsi en arrière en suggérant ce contrôle que l’on peut assimiler à une « troisième épreuve », par les inspecteurs du permis de conduire, ce qui avait fait capoter un vote positif à l’Assemblée l’an dernier.

Sur les gestes, c’est la confusion. Le mot-clé « ventiler » (qui avait pourtant remplacé « ranimer » afin qu’il soit plus clair) est l’objet de commentaires invraisemblables. Il s’agit d’apprendre à vérifier l’état de la respiration (ventilation) de tout blessé inconscient afin de pouvoir agir le cas échéant, en faisant quoi ?

 Libérer ses voies aériennes afin de permettre le passage de l’air et désobstruer ce qui pourrait encombrer la bouche et le fond de gorge ;
 Positionner la tête correctement (si la victime se trouve dans un véhicule). Le plus souvent cela permet de rétablir la ventilation ou de la faciliter. Ce sera suffisant.
 Savoir souffler dans la bouche ou le nez de la victime si la respiration est totalement arrêtée – car si on ne fait rien c’est l’arrêt cardiaque et aucune chance pour elle.

Quant à la PLS, comme pour l’hémorragie, ces gestes (position latérale de sécurité et comprimer directement la plaie qui saigne) sont enseignés, notamment, avec le programme de base de formation dit PSC1. Comment seraient-ils valables dans ce cadre et non lors d’une formation simplifiée, car « de masse », c’est-à-dire les « 5 gestes » face à l’accident de la route ?

On retrouve la même anomalie lorsque les services officiels (en réponse à des questions écrites), estimaient que pour former valablement un citoyen, il fallait qu’il suive le programme officiel, tout le programme officiel, le « socle », à l’époque l’AFPS (Attestation de formation aux premiers secours), devenue PSC1. Toute formation en deçà de ce minimum étant à proscrire. On constate où cette position incompréhensible nous a menés !

C’est la raison pour laquelle, la Fédération française de cardiologie a pris conscience qu’on ne pouvait pas continuer ainsi (à l’époque environ 250 000 personnes étaient formées par an à l’attestation de formation aux premiers secours).
Il était nécessaire et urgent d’apprendre la conduite à tenir face à l’arrêt cardiaque à un maximum de nos concitoyens. Ce qui donna naissance à la campagne : « 1 vie = 3 gestes ». Les médecins de la FFC indiquant qu’il valait mieux « mal faire que de ne rien faire » car un tel comportement (ne rien faire) ne donnait aucune chance à la victime !

Nous nous retrouvons dans la même situation face à l’accident de la route. Il ne s’agit pas de former nos concitoyens qui préparent un permis de conduire à faire face à toute blessure mais à ce qui met uniquement la vie des blessés, inconscients, en péril. C’est pourtant simple à comprendre.

Un blessé inconscient assis dans son véhicule, tête vers l’avant ne peut pas respirer. Il y a obstruction totale et il va vers l’arrêt de sa respiration. Il n’aura pas le temps d’attendre l’arrivée des secours. (LVA – surveiller – il doit ventiler).

De même pour quelqu’un qui saigne. Il faut arrêter les saignements. On comprime directement la plaie qui saigne avant de placer un pansement compressif dès que possible.

Reste le cas du blessé inconscient sur le dos au sol. Il est impossible de le laisser dans cette position. Risque d’inondation pulmonaire, d’obstruction de ses voies aériennes. Il faut le placer en PLS.

Ces « 5 gestes » sont à pratiquer avec efficience. Pour qu’ils deviennent des réflexes, c’est la répétition par de nombreux exercices. Pour les mémoriser il y a les mots-clés et « ventiler » est alors parfaitement compris.

Si la formation de quatre heures est validée par le formateur responsable, une attestation est délivrée, document qui permettra que le dossier transmis à la préfecture donne droit à la délivrance d’un permis de conduire.

Si la Commission des lois, avec votre concours direct comme Rapporteure, a pu supprimer la « troisième épreuve » et accepter qu’une telle proposition de loi fût recevable, nous ne pouvons pas nous contenter que des deux premiers gestes. Le texte doit le préciser même si ce sont les textes d’application qui ensuite cadreront l’ensemble du dispositif.

Ainsi, un témoin assurera l’alerte des secours, un autre ou plusieurs (lorsque la formation sera généralisée) la protection des lieux (baliser) et des victimes ; mais s’il constate qu’un blessé s’étouffe, si sa ventilation est difficile voire arrêtée, tel blessé qui saigne abondamment ou au sol sur le dos et qu’il ne peut alors rien faire car on ne lui a appris que les deux premiers, nous arrivons à un stade d’irresponsabilité grave.

La proposition de loi de vos collègues aura été dénaturée. Ne retenir que l’alerte et la protection des lieux, ce que l’on apprend déjà, en théorie, depuis de nombreuses années, n’apportera rien de plus. A quoi aura donc servi cette proposition de loi ?

Vous avez cité d’autres pays qui ont mis en place une telle formation. Mais ils enseignent bien ces mêmes gestes, ainsi que quelques autres puisque la formation est un peu plus longue. Ils ont compris que face à quelqu’un qui va mourir, il fallait tenter coûte que coûte un geste de survie ! Quand allons-nous le comprendre ?

Je regrette infiniment que vous n’ayez pas eu le temps, comme le sénateur LELEUX me l’avait laissé entendre, de prévoir un rendez-vous téléphonique au cours duquel nous aurions pu justement évoquer toutes ces questions.

Vous pouvez corriger votre intervention pour la séance du 11 février et je le souhaite ardemment.

Croyez-vous que vos collègues, les sénateurs Jean-Pierre LELEUX et Jean-René LECERF (ce dernier ayant déjà voté un amendement en ce sens au Sénat en 2003), aient rédigé cette proposition de loi s’ils n’étaient pas convaincus de sa justesse et de son actualité ?

En suggérant que ce concept était dépassé, vous détruisez implicitement leur démarche et vous déconsidérez – en avez-vous seulement le droit et la compétence ? – ceux qui ont œuvré pour proposer ce concept de masse.

Ce n’est pas de notre faute si, pour étudier l’idée – les questions sont mal posées et, de ce fait, les réponses inadaptées.

Croyez-vous aussi que vos collègues UMP de l’Assemblée nationale auraient soutenu ce beau projet humanitaire, afin que chacun sache secourir et sauver par les « 5 gestes qui sauvent » : les députés Patrick DELNATTE puis Jean UEBERSCHLAG (dont vous avez été l’attachée parlementaire) ; Bernard GERARD à leur suite mais aussi les innombrables interventions des parlementaires de votre sensibilité politique, si cette proposition n’était plus adaptée en 2012 ?

L’état du secourisme en France, qui n’a cessé de se dégrader, explique en partie les réticences exprimées, face notamment à la tâche à accomplir que nous sommes toutefois tout à fait capable de réaliser.

Je vous remets avec cette lettre deux documents diffusés :

 Dépliant : « Urgences – Témoin d’un accident que faire ? » où, parmi les 3 gestes présentés il y a « comprimer la plaie » (qui semble maintenant poser problème) et où la PLS est signalée. Document officiel !

 Réglette : « Urgence : les gestes des premiers secours » où l’on retrouve « comprimer » la plaie qui saigne ainsi que la PLS (Diffusion par une mutuelle).

De très nombreux documents de ce genre sont diffusés, pour l’information du public ignorant. Ce que nous devons faire – objet de la proposition de loi – c’est de les former pour faire face à l’accident de la route. Le moment de la préparation d’un permis de conduire est idéal pour le permettre.

En espérant vivement que vous comprendrez le sens de ma démarche, je vous prie de croire, Madame la Sénatrice, à l’expression de mes sentiments distingués.

Didier BURGGRAEVE

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